La Chine poursuit la réglementation de son cyberespace en continuant de resserrer l’étau autour des plateformes Internet et les internautes chinois. Le « Cyberspace Administration of China » (CAC) craint que les moteurs de recherche puissent suggérer des contenus « dangereux » que les censeurs pourraient autrement appréhender. Pour que cela n'arrive pas, l’agence de l’Etat a publié de nouvelles règles qui dicteront la manière dont les entreprises basées sur Internet doivent utiliser le contenu, en mettant un point d’honneur aux algorithmes de recommandation qui favorisent les idées « positives », tout en excluant de l’Internet les « mauvais » contenus, a rapporté le site Web de l’agence.
Selon le rapport traduit en anglais du site Web, le « Règlement sur la gouvernance écologique des contenus d'information du réseau » interdit explicitement les contenus qui « mettent en danger la sécurité nationale, divulguent des secrets d'Etat, subvertissent le pouvoir de l'Etat [et] sapent l'unité nationale ». Les algorithmes devront complètement signaler de tels contenus. En d'autres termes, les sociétés d’Internet doivent se faire dicter la manière dont il faut utiliser le cyberespace chinois sans, en aucune façon, contester le statu quo politique du gouvernement.
Le site Web a rapporté qu’une décision prise à l’issue de « la quatrième session plénière du dix-neuvième Comité central du Parti communiste chinois a explicitement indiqué qu'il fallait établir et améliorer un système complet de gouvernance du réseau, renforcer et innover dans la construction du contenu de l'Internet, mettre en œuvre la responsabilité principale de la gestion de l'information par les entreprises d’Internet, améliorer globalement les capacités de gouvernance du réseau et créer un cyberespace clair ».
Le nouveau règlement sur l’Internet devrait commencer à s’appliquer à partir du 1er mars 2020. Les dispositions du règlement proposent que les producteurs de contenu d'information de réseau soient encouragés à produire, copier et publier « la promotion des pensées de Xi Jinping sur le socialisme avec des caractéristiques chinoises dans la nouvelle ère, ». Ils doivent également publier une interprétation complète et précise de ces pensées.
Les producteurs de contenus d'information sur les réseaux ne doivent pas produire, copier ou publier des informations illégales qui portent atteinte à l'honneur et aux intérêts nationaux, d’après le rapport. Ils doivent prendre des mesures pour prévenir la production, la copie et la publication de mauvaises informations qui incluent « l'utilisation de titres exagérés, de contenu sérieusement incompatible avec le titre, etc. ».
La Chine dispose de plusieurs mesures pour contrôler le contenu de l'Internet chinois. En 2017, le Cyberspace Administration of China a publié de nouvelles réglementations qui obligeraient les internautes à révéler leurs vrais noms lorsqu’ils publient un commentaire en ligne. Ces règles visaient à limiter sévèrement l'activité sur Internet pour les utilisateurs qui ne fournissent pas d'informations d'identification.
Jusqu'à cette date, les utilisateurs avaient été forcés de divulguer leur identité lors de la connexion à un certain nombre de services populaires tels que WeChat, Weibo, l’utilisation d’une carte SIM (même pour les étrangers, qui étaient contraints de se faire enregistrer avec leur passeport ou une autre forme valide de pièce d’identification). Les règles de « l'enregistrement des noms réels », ciblaient même les forums de discussions qui devraient se plier et faire respecter cette exigence.
En mai dernier, le pays a adopté un autre règlement, basé sur la loi sur la cybersécurité de la République populaire de Chine, qui rend responsable un utilisateur qui crée un groupe de discussion en ligne. Selon le règlement, dans un de ses articles, les fournisseurs de services et les membres de groupes Internet doivent s'efforcer de maintenir une orientation correcte, de promouvoir les valeurs socialistes fondamentales, d'encourager une culture Internet proactive et saine, et de préserver une écologie en ligne positive.
Un autre article disait que les fournisseurs de services fixent, en fonction de l'ampleur de leurs services et de leur capacité de gestion, des limites raisonnables au nombre de membres du groupe et au nombre de groupes que les particuliers peuvent constituer et rejoindre. Et les violations de ces dispositions par les fournisseurs ou utilisateurs de services seront traitées par les services compétents conformément aux lois et règlements en vigueur.
Le nouveau règlement, qui entre en vigueur en mars prochain, cible les algorithmes qui devraient rester fidèles à la politique du gouvernement. Il fera obligation aux plateformes de contenu d'information en réseau de renforcer la gestion du contenu d'information et, si elles découvrent les informations indésirables spécifiées dans la loi, à prendre des mesures d'élimination conformément au règlement, tenir des registres pertinents et faire un rapport aux services compétents concernés, a rapporté le site Web du CAC.
Conformément aux nouvelles mesures, les utilisateurs des services de contenu d'information en réseau devront « utiliser l'Internet de manière civilisée et saine, et remplir leurs obligations correspondantes », a aussi rapporté le site Web. Lorsque les utilisateurs participent aux activités du réseau sous forme d'affichages de contenus, de réponses, de messages, etc., ils ne doivent pas publier les informations illégales prévues par le règlement. Selon le site Web, le règlement exige la participation de multiples parties telles que les gouvernements, les entreprises, la société et les internautes afin de construire ensemble une bonne écologie de réseau et créer un cyberespace clair.
Un récent projet de loi du Sénat américain visait également la réglementation des algorithmes, bien qu’il soit très différent de l'approche de la Chine. En effet, le projet du Sénat visait à éliminer la partialité des algorithmes, alors que la Chine préconise explicitement la partialité, d’après les mesures publiées par le CAC. Avec l’évolution de l’intelligence artificielle et l’élargissement de ses champs d’études, il convient de vérifier si les algorithmes utilisés par les entreprises dans l’élaboration de ces outils décisionnels sont exempts de tous préjugés raciaux, sexistes et autres. Le Projet loi du Sénat, lorsqu’il sera adopté, obligerait les entreprises de technologie à mettre à l'essai des prototypes de leurs algorithmes afin de déceler d’éventuels biais.
Il est vrai que la Chine va plus loin en préconisant la partialité des algorithmes, mais les autres gouvernements devraient être attentifs aux entreprises qui choisissent maintenant ce qu'elles pensent être approprié et utilisent des algorithmes pour censurer les idées qu'elles n'aiment pas.
Source : Cyberspace Administration of China
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Le , par Stan Adkens
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